L’établissement

Des bains-douches à la piscine

Cet établissement aura une fonction sanitaire permettant de :

  • doter la population de lavoirs avec eau de sources permettant de remplacer les lavoirs à eau sale établis sur les ruisseaux sillonnant la Ville
  • de proposer des bains-douches pour la population qui ne dispose pas d’eau courante

La Municipalité Clévy précise que l’établissement pourra être complété par une piscine d’eau chaude. Le site a été retenu : entre le quai Lafontaine, le quai St Dominique et la Rue du Cloître St Etienne, sur l’emplacement de l’ancienne usine élévatoire des eaux du canal.

« L’entrée du Vouldy » Vue de l’usine élévatoire des eaux du canal en 1905 Crédits photos : Archives municipales

Plusieurs projets voient le jour. Ci-dessous (à gauche) le projet prévoit un réaménagement de l’usine élévatoire des eaux. Ci-dessous (à droite) le projet présente un nouveau bâtiment dans lequel apparaissent une piscine… et l’emplacement d’une deuxième piscine si nécessaire.

Crédits photos : Carole Bell / Ville de Troyes

Crédits photos : Carole Bell / Ville de Troyes

Benoit Klopstein, Président du Cercle des Nageurs Troyens, vice-Président de la fédération française de natation et de sauvetage, et homme fort de la natation troyenne, engage un fort lobbying auprès des élus municipaux et des autres sociétés sportives. Ainsi, les 45 sociétés sportives troyennes somment, dès juin 1929, dans un courrier collectif adressé au Maire de reconsidérer le projet précédent et demandent la création d’une piscine en même temps que les bains-douches. Avec trois sociétés de natation (Les Mouettes de Troyes, l’Energie Troyenne et le Club des Nageurs Troyens), il est vrai que Troyes dispose d’un potentiel important de nageurs.

Le 28 mai 1930, sous l’impulsion du Maire Armand Privé, le Conseil Municipal considère que la construction d’une piscine s’impose. Afin de former un établissement modèle et d’éviter les complications techniques liées à une construction ultérieure, il est acté la construction :

  • de bains-douches comprenant 16 cabines de bains, 24 cabines de douches et 4 WC
  • d’un bassin de 25m x 12m d’environ 550m3
  • d’un lavoir de 48 places et d’une buanderie aménagée
  • de 104 cabines de déshabillage réparties sur 2 niveaux en passerelle
  • d’un labyrinthe hydraulique permettant aux nageurs accédant au bassin de se savonner et de se rincer

Les eaux seront déversées après filtration et épuration dans le canal ou dans la Seine.

Plan du projet final On distingue chaque espace : les douches, les bains, les lavoirs, la buanderie, au centre le bassin et le labyrinthe hydraulique. Crédits photos : Carole Bell / Ville de Troyes

La dépense totale pour la construction de l’établissement est évaluée à 3 720 000 francs.

Il est prévu que la Ville participe à hauteur de 800 000 francs et l’Etat à hauteur de 700 000 francs. La « Société d’Habitations à bon marché et de bains-douches » doit réaliser les travaux et en financer une partie pour en bénéficier ensuite d’un droit d’exploitation pour une durée de 15 ans.

Suite aux difficultés financières et la probable faillite de la « Société d’Habitations à bon marché et de bains-douches » en octobre 1932, une négociation est engagée avec la « Société des belles piscines de France » (SBPF). Seulement, la « Société d’Entreprises et de Constructions en Béton Armé » (SECBA) fait une meilleure offre à la Ville (3 500 000 francs) avec une durée de concession de 30 ans contre 40 pour la SBPF. Le projet est sensiblement amélioré et le nombre de cabines est porté de 104 à 180. Le Conseil Municipal approuve, le 25 juillet 1933, le contrat avec la SECBA et prévoit une durée de réalisation de 10 mois.

Un établissement hydrothérapique modèle

Le 4 septembre 1934, Armand Privé, Maire de Troyes, donne le premier coup de pioche de cet établissement hydrothérapique. C’est M. Lévrier, architecte et ingénieur de la Ville qui a apporté tout son savoir-faire dans l’élaboration d’une ligne architecturale avant-gardiste pour l’époque mêlant briques, grandes surfaces vitrées et verrières en toiture.

Les travaux commencent en septembre 1934. La presse locale offre sa une à l’événement. Crédits photos : le Petit Troyen (5 sept 1934)

Après 10 mois de travaux, « la piscine modèle » est inaugurée par le nouveau Maire, René Plard, le 29 juin 1935. Le Petit Troyen dit d’elle : « (…) ses lignes bien proportionnées, sa silhouette moderne d’une heureuse sobriété ont rallié les suffrages de tous les troyens ». Les cabines réparties sur deux niveaux dont un côté réservé aux dames, permettent aux baigneurs d’y laisser leurs habits. Les usagers passent préalablement par un labyrinthe d’eau chaude afin de se laver avant de plonger dans le bassin. En plus d’une filtration mécanique et d’un traitement chimique à l’eau de javel, la piscine est chaque semaine complètement vidée afin d’être nettoyée. Il est prévu de compléter l’établissement d’un solarium en toiture ainsi que d’un buffet-bar pour l’agrément des nageurs et des visiteurs.
Enfin, la piscine du Vouldy est la première piscine française à être dotée de plots de départs qui doivent permettre d’améliorer des records.

Intérieur de la piscine municipale (Vouldy) en 1937 Crédits photos : Claude Bérisé

Le personnel est composé, en plus des techniciens, de garçons de cabines qui assurent les ouvertures et fermetures. Le maître–nageur est Gabriel Thiéblemont, une figure bien connue de la natation troyenne, qui gérait précédemment le Bain de Charmilles.

Le Maire se félicite de l’ouverture de cet établissement modèle : « La population ouvrière de Troyes à qui manquait depuis si longtemps un établissement de ce genre, pourra profiter de ses avantages au plus grand bien de l’hygiène ».

Benoit Klopstein qui est sans nul doute le principal instigateur du projet déclare que « d’ici deux ans, les nageurs des clubs troyens réaliseront des progrès qui les placeront parmi les meilleurs nageurs français ». Il insiste par ailleurs sur la nécessité de rendre obligatoire l’apprentissage de la natation pour les écoliers troyens sur le modèle tourquenois où 90 % des enfants savent nager.

Le Championnat de l’Est est la première compétition organisée à Troyes le dimanche 8 septembre 1935 avec diverses épreuves de natation, de plongeons, de sauvetage et des rencontres de water-polo. Y participent Marcel Schmitt, le champion de l’époque, et un jeune débutant en catégorie minimes, un certain Lucien Zins.

Programme des Championnats de l’Est Dimanche 8 septembre 1935 Crédits photos : Claire Hager

La gestion complexe d’un établissement précurseur

Malheureusement, après seulement une année d’exploitation, les fréquentations ne sont pas celles escomptées et d’autant plus en période hivernale. Par ailleurs, les relations avec la SECBA posent des difficultés à la Ville qui intente un procès à l’exploitant dès 1937.

Le 22 mai 1939, le Conseil Municipal acte la reprise en régie directe de la piscine suite à la faillite de la SECBA.
La guerre survient et l’établissement est réquisitionné par l’armée française d’abord, puis par l’armée allemande en juillet 1940. L’occupant accorde l’accès de la piscine aux meilleurs nageurs de la Ville mais ferme ses portes en janvier 1941 faute de réparations indispensables à son exploitation.

En septembre 1941, sur ordre de l’autorité militaire allemande, la piscine est remise en état de marche. Des pourparlers permettent de fixer les modalités de fonctionnement. L’autorité allemande disposera à titre exclusif de la piscine les mardi, mercredi et vendredi. L’établissement fonctionnera pour la population civile les jeudi, samedi et dimanche, le lundi étant consacré au nettoyage. L’occupant prend à sa charge la moitié des frais de fonctionnement. Sont recrutés un gérant, un maître-nageur, un caissier comptable, un chauffeur (technicien), un manœuvre, deux garçons de cabine et une femme de ménage.

La piscine sous l’Occupation En arrière-plan, le panneau d’interdiction de cracher dans le bassin est affiché en français et en allemand. Crédits photos : Claude Bérisé

L’établissement évolue peu pendant plusieurs années. Toutefois l’environnement urbain se transforme avec la couverture d’une partie du canal de Haute-Seine afin de laisser place à une avenue.
En 1967 la piscine est dotée d’un bassin d’apprentissage de 10m par 10m, le bâtiment est alors agrandi vers le quai Saint-Dominique. Ces travaux respectent l’architecture originelle, l’agrandissement reprend les codes de la construction de 1935 : briques, sous-bassement en pierre, verrières en toiture, fenêtres … Enfin en 1995 de grands travaux de réhabilitation donnent un nouveau visage à la piscine. A l’extérieur la façade est remodelée part un entrée entièrement vitrée. L’intérieur quant à lui est réaménagé, disparaissent alors bains, douches, lavoirs ainsi que l’appartement du directeur.

Le bassin d’apprentissage en 1995 Crédits photos : Ville de Troyes

Façade actuelle de la piscine Crédits photos : Carole Bell / Ville de Troyes