Les champions

Lucien Zins

Né le 14 septembre 1922 à Troyes
Décédé le 13 décembre 2002 à Vittel
Crédits photos : Mme Ratiskol

Georges Zins, le frère ainé de Lucien, est sans nul doute à l’origine de la carrière d’un des plus grands sportifs troyens de l’histoire. Il lui apprend les premiers rudiments de brasse alors que leur mère s’inquiète de les voir jouer le long du canal de Haute Seine, à proximité duquel ils habitent. Disposant de qualités certaines, il commence à fréquenter le Bassin des Charmilles où Claude Thiéblemont, propriétaire des lieux, lui apprend le dos crawlé.

En 1936, quelques mois seulement après la construction de la piscine municipale du Vouldy, il se fait remarquer avec un premier titre de champion de France cadet au 100m dos.
L’année 1938 marque le début de sa carrière de haut niveau. A tout juste 16 ans et alors qu’il encore junior, Lucien Zins améliore le record de France du 200m et 400 m dos à la Piscine du Vouldy. « Ma vie ?… je le passe sur les bords de la Piscine » confie-t-il à la presse de l’époque.

Doté de prédispositions physiques pour la pratique de la natation (1.86m pour 78kg), il devient international en 1939 date à laquelle il bat le record de France du 100m dos détenant ainsi les records nationaux sur chaque distance en dos. La consécration arrive la même année à la Piscine des Tourelles avec son premier titre de Champion de France devant son éternel rival, le parisien Blanc.

En 1941, le troyen se signale en remportant, en sus du 100 dos, le 1500m nage libre. Sa performance est unique dans les annales puisqu’il accomplit l’épreuve sur le dos alors que ses adversaires nagent en crawl ! Sa souplesse et sa remarquable habileté à prendre les virages lui ont permis d’accomplir cet exploit.
« Ce n’est plus gagner dans un fauteuil, c’est nager dans un transtlantique ! » peut-on lire dans la revue sportive nationale L’Auto. Et pourtant, cette année-là, la piscine du Vouldy est fermée depuis plusieurs mois (elle le restera durant deux ans) contraignant Lucien Zins à s’entrainer en Seine, dans une eau à 14°, ou dans les gravières autour de Troyes, et démontrant ainsi une motivation sans faille. Il lui arrive même de s’entrainer dans le canal où il se paie le luxe de sprinter contre une barge chargée de ballast. Par ailleurs, son frère Georges, qui n’a cessé de l’entrainer jusque-là, est prisonnier de guerre, tant et si bien que l’un des deux meilleurs nageurs français ne dispose ni de bassin ni d’entraîneur ! « Un grand nageur sans piscine : ce que ferait Zins s’il pouvait s’entrainer » titre encore l’Auto.
Il bat en octobre 1942 le record d’Europe du 400m dos.

Pendant l’occupation, aucun titre ne lui échappera… ou presque. Ainsi, en juillet 1943 alors que sous la pression allemande la Fédération doit refuser la participation du second meilleur nageur française de l’époque – Artem Nakache – Lucien Zins décide par solidarité de ne pas défendre son titre sur 100m dos alors qu’il s’est rendu à Toulouse en vélo. Il sera suspendu pendant une année.
Il reprend son titre en 1944 à la Piscine des Tourelles, peu après le débarquement et alors que les trains ne circulent plus, le contraignant à se rendre à Paris à bicyclette, une fois de plus.

Après la seconde guerre, la fulgurante progression de Georges Vallerey va quelque peu freiner le troyen dans sa course aux titres et aux records de 1945 à 1947. Il participe toutefois aux championnats d’Europe à Monaco en 1947.
En 1948, après un nouveau titre sur 100m dos, il est le premier nageur troyen à se qualifier aux Jeux Olympiques de Londres où il sera demi-finaliste et s’adjugera la 10ème place.
En 1950, il remporte son 6ème et dernier titre national sur 100m dos et participe aux championnats d’Europe à Vienne où il échoue au pied du podium (4ème place).

Sa carrière de nageur de haut niveau s’arrête aux Olympiades de 1952 à Helsinki où il est encore demi-finaliste. Tout en continuant à nager, il est devenu entraineur du club de Troyes et a repris en mains la carrière du double recordman du monde Gilbert Bozon qui finira second du 100m dos à ces mêmes Jeux Olympiques.
Fort de son charisme et de son expérience, il devient entraineur national en 1955 puis Directeur Technique National en 1964. Il encadre ainsi les équipes de France durant cinq Olympiades : Melbourne (1956), Rome (1960), Tokyo (1964), Mexico (1968) et Munich (1972).

Il se retire en 1973 de ce poste de n°1 de la natation française pour ouvrir le Centre de Préparation Olympique à Vittel.

Gilbert Bozon

Né le 19 mars 1935 à Troyes
Décédé le 21 juillet 2007 à Tours
Crédits photos : Michel Bozon

Les performances sportives de Gilbert Bozon auront tenu en haleine les troyens autant que ses revirements. Il changea à plusieurs reprises d’entraîneurs et de clubs, créant à chaque fois une émotion certaine pour ceux qui suivaient ses exploits. Ces péripéties étaient à l’image d’une natation troyenne très agitée qui comptabilisa jusqu’à quatre clubs de natation peu après la fin de la seconde guerre mondiale.

Après un accident de gymnastique, il est amené à la piscine par Roger Vittenet, un voisin de ses parents, qui était maître-nageur. En 1947, détectant rapidement son potentiel, Jacques Latour, poissonnier de son état et responsable du Racing Club des Cheminots Troyens, prend en mains l’adolescent. Après seulement deux années, il positionne le jeune Bozon comme un des meilleurs spécialistes de dos, discipline qui était à cette période la spécialité d’un autre troyen, Lucien Zins.
En 1949, Gilbert Bozon prend précisément Zins comme conseiller tout en restant entraîner par Latour. En décembre 1950, et alors qu’il vient de remporter un ultime titre national sur 100 mètres dos, Zins annonce « J’entraîne un jeune qui devrait me battre dès 1951… ». Peu après, le garçon de seize ans (1m60 pour 65 kilos) réalise 1’08’’2 à la piscine du Vouldy. Ce n’est qu’un début qui situe déjà Bozon parmi les dix meilleurs nageurs de dos au monde.
En 1951, Gilbert Bozon bat Lucien Zins lors des championnats de France à Bordeaux remportant son premier titre majeur. La prophétie s’est réalisée.

1952 marque un tournant dans la carrière du jeune Bozon. Dans la piscine municipale où son aîné Lucien Zins battit dix ans plus tôt un record d’Europe sur 400 et un record de France sur 100 dos, il bat le record d’Europe de cette même distance en 1’04’’3 détenu par Georges Vallerey. Il améliore également le record du monde du 3 x 100 mètres 3 nages en compagnie de Lusien et Jany, égalant au passage le record du monde du 100 dos.
En proie à quelques difficultés avec les instances fédérales et municipales, il prépare secrètement les Jeux Olympiques d’Helsinki où son objectif est clair : obtenir le titre olympique sur sa distance fétiche. Afin de préparer l’épreuve en grand bassin, on lui fait monter dans une gravière deux rails avec deux planches aux extrémités lui permettant de nager comme dans une ligne d’eau de 50 mètres.
Le 1er août, il est en passe de réaliser son rêve d’or olympique. En final, il affronte les meilleurs spécialistes américains. Après un départ prudent, il vire troisième à mi-distance, il fournit son effort aux 75 mètres se propulsant en tête d’une demi-longueur. Malheureusement cette accélération violente lui est fatale puisqu’il ne peut résister au sprint de l’Hawaïen Oyakawa dans les derniers mètres, qu’il avait pourtant battu de plus d’une seconde deux mois plus tôt aux Tourelles. Il admit plus tard avoir fait une erreur tactique en partant trop tôt. Il concéda également avoir mal vécu la pression qui pesait sur lui. Cette médaille d’argent fût la plus grande déception de sa carrière et il se sépare de Jacques Latour après les JO.
Revanchard, le 26 décembre, dans une piscine du Vouldy acquise à sa cause, il s’attaque au record du monde du 100 mètres dos détenu par l’Américain Stack. Seul face au chronomètre, il l’améliore de 3 dixièmes (1’03’’3). Il le conservera jusqu’au 1er avril 1954.

En juin 1953 à Alger, il bat le record du monde du 200 mètres dos d’Allan Stack en 2’18’’3 possédant ainsi les deux records mondiaux en dos. Il bat également le record du monde du 4 x 100 mètres quatre nages avec Dumesnil, Lucien et Jany.

En 1954, en plus de son quatrième titre national sur 100 mètres dos, il est vice-champion de France du 200 mètres nage libre avec Eminente et second sur 100 mètres démontrant ainsi une belle polyvalence. En septembre 1954, il est finaliste des championnats d’Europe à Turin. Ayant appris de son échec olympique il gère parfaitement sa course pour ravir le titre continental en réalisant la meilleure performance mondiale en grand bassin (le record du monde en grand bassin n’existe pas encore). Il fait enfin retentir la marseillaise sur une compétition internationale majeure.
Quelques semaines après, il annonce qu’il abandonne la natation afin de gagner sa vie car sa famille a besoin de lui… Il a seulement dix-neuf ans. Aidé financièrement et matériellement par Maître Jean Mayer, notaire et Président de la section natation du Troyes Gymnique, il va revenir sur sa décision et replonger dans le bassin du Vouldy.

En 1955, à tout juste vingt-ans, il est au sommet de sa carrière. Il s’entraine désormais avec Lucien Zins qui est devenu l’homme influent de la natation française. Il a gagné en expérience, technique et puissance, et ce malgré son petit gabarit pour un nageur de niveau mondial (1m78). Alors que le champion olympique Américain Oyakawa lui a ravi son record mondial sur 100 mètres dos, il décide de reprendre son bien. Le 27 février 1955, la piscine du Vouldy est de nouveau le théâtre d’une performance sportive exceptionnelle. Sous les ordres du starter Pierre Woelflé, il s’élance aux côtés de Coignot dans une piscine surchauffée. Grâce à une fréquence de bras exceptionnelle, il est en avance sur le record du monde dès les 50 mètres. Portée par la foule, il maintient son effort jusque dans le dernier 25 mètres. Après une courte délibération des trois chronométreurs, le speaker peut annoncer que le record du monde est amélioré de 7 dixièmes et porté à 1’2’’10. Recueillant les ovations d’une foule en liesse, Bozon associe deux hommes à cette performance exceptionnelle : Lucien Zins son entraîneur actuel et Jacques Latour son formateur.

Il honore une de ces dernières sélections en équipe de France aux Jeux Olympiques de Melbourne (1956). Il est accompagné de trois autres troyens, gage de la qualité de la natation locale : Lucien Zins devenu entraîneur des équipes de France, Jacques Collignon et Gérard Coignot. Alors que le record du monde battu l’année précédente laisse espérer enfin le titre olympique, Bozon se contente d’une modeste place de demi-finaliste.

Il quitte Troyes, la piscine du Vouldy et le Troyes Olympique natation, en 1957, pour poser ses valises à Tours où lui est proposé un emploi à la piscine municipale. Il forme au cours de sa carrière d’entraîneur 36 nageurs internationaux dont trois sélectionnés olympiques.

Gabriel Thiéblemont

• propriétaire du bain des Charmilles

 

• 1er maitre-nageur de la piscine municipale

 

• entraineur de l’équipe de water-polo Troyes-Gymnique

 

• 15 fois champion de Champagne de plongeons

 

• chronométreur fédéral